Coup de griffe, coup de coeur

A la question suivante : " Qui peut être reconnaissant envers un professeur pour ses bons et loyaux services?" je répondrai tout à trac, sans réfléchir ; "ses supérieurs" pour lesquels, en échange d'un salaire plus que modique dans l'hexagone et quelques autres parties du monde, il doit, outre ses fonctions d'enseignant, assumer le plus souvent des responsabilités administratives ( gérer et garder le client, lui fournir les EDT personnalisés, lui dire quand payer...) et diplomatiques comme essuyer les merdes de gestion, de placement, d'augmentation de prix, mais aussi de portes fermées pendant 30 mns... être celui qui doit s'excuser humblement devant les étudiants, heureusement pas toujours dupes !
Sans les citer, je prendrai l'exemple de quelques établissements que j'ai fréquentés à Paris, la ville lumière où tout est permis. Je me souviens de cette école où il y avait tellement peu de contact entre les directrices péda et admi que non seulement les profs mais aussi les étudiants en subissaient les conséquences. Un lundi que je guerroyais ferme pour obtenir un studio dans la capitale, je suis arrivé 10 minutes en retard à cause d'une grèvedemétroesque anicroche. Accueil cordial de la diradm. (qui ne mérite pour nomination que ce bâtard enchâssement de mots techniques) " Ah, comme vous êtes en retard, les étudiants sont tous partis, alors, vous ne serez pas payé"... Sauf qu'une jeune femme m'attendait dans la salle... et moi, tout penaud mais bon prince, rasséréné par l'oeillade compatissante de ma directrice pédagogique, je suis allé animer mon atelier d'écriture...
Plus tard, dans une autre pompe à fric de cet acabit, le troupeau estival que nous formions les autres profs bouche-trous et moi a été remercié avec un cordial "c'est la quille"... Payé à 12 euros de l'heure, dans des classes parfois surchargées, c'est pas vraiment ce qu'une fourmi comme moi attend de sa "mama-san"... je me souviens encore des critiques des étudiants ( qui ensuite, se sont tous barrés à La Sorbonne...) : les portes régulièrement fermées, équipe admi plus que réduite en été, qualité du matos ( un magnétophone poussif et une antique télé), taille des classes (un hôtel particulier, allez faire cours dans des chiottes vous !). J'en passe, et des bien pires ! Et toi le bouclier, le tamis à merdes, le garde frontalier...
A la question "où le prof doit-il trouver sa récompense?" c'est bien plutôt chez les étudiants que j'aurais envie de répondre.
Naïvement, voir un étudiant progresser, ça fait plaisir. Passer du temps à l'aider pour les papiers administratifs et le préparer à lutter chez les flics de France pour un tampon lui garantissant 6 mois de plus sur le plancher des vaches, c'est pas mal du tout...
Mais plus honnêtement, c'est vraiment sympa de recevoir des cadeaux et des invit' pour vous signifier que votre travail a pu apporter quelque chose de réel, autant sur le plan purement linguistique et communicatif que sur le plan humain. La reconnaissance, je la puise dans le sourire et les cadeaux de mes étudiants, quand ceux-ci, à 16 ans comme à 30, se regroupent pour écrire une lettre à l'administration pour ne pas changer de prof ; quand ils restent avec toi un peu après le cours parce que ce jour-là tu as été moins bon et qu'ils ont capté que t'allais mal ; quand tu es convié à des soirées et que tu comprends rien mais que tu ne souhaites pas rater parce que c'est aussi important pour eux que pour toi...
Alors, plutôt que de sacrifer à des rites qui me font vraiment mal au cul parfois, je voudrais remercier Petch pour le magnifique sac PUMA qu'elle m'a offert hier, ainsi que le jeune Tharit pour le confiseries de ce matin...
Merci à tous mes étudiants de l'AF pour ces trois derniers mois et j'espère pouvoir continuer avec certains d'entre vous !
Time will tell...